...il est une jahazi Tarnoise...

Le port de Villabruzzi, Colonia Lasmara
M. Brazza et Gontran-Flavien descendaient la grand-rue de Villabruzzi, le port de la capitale Lasmara située plus en hauteur. Des deux côtés, des échoppes tenues par des autochtones en situation plus ou moins régulière proposaient aux passants tout et n'importe quoi : mets divers et variés, épices, artisanat théologique, bazars, animaux, etc. Ils ne s'en offusquaient pas, cette partie de la ville était de toute manière dévolue aux manœuvres et autres journaliers, forçats nécessaire au bon fonctionnement de la colonie. Les quartiers blancs se trouvaient nettement plus loin, et l'élite locale se rendait rarement sur place autrement que par pure nécessité, comme vérifier le bon fonctionnement d'une installation.
Justement, l'exarque et son administrateur ne se rendaient pas ici par pur plaisir, mais bien parce qu'ils avaient matière à faire. La grand-rue permettaient de rejoindre les quais. Sur la jetée principale, à cette heure de la journée, il n'y avait que peu de navires. D'une parce qu'il y avait peu de trafic de manière générale, la faible surface de la colonie faisait que la production agricole était médiocre en terme quantitatif. Le reste des embarcations étaient des petits navires de pêche. Bientôt, en remontant la jetée, il tomba sur le capitaine du port, à qui il avait annoncé vouloir s'entretenir des perspectives des installations portuaires.
M. Brazza : Votre Altesse, je vous présente le Capitaine De Noli, en charges des infrastructures portaires.
Après les salutations d'usage entre les deux hommes, Gontran-Flavien mis directement les pieds dans le plat :
Gontran-Flavien : Alors capitaine, que pensez-vous des installations que vous dirigez ?
Le Capitaine De Noli, ne savant si cette demande était du lard ou du cochon, préféra jouer sur l'aspect politique et répondre prudemment. Après tout, ce nouvel exarque avec ses connexions dynastiques lui était inconnu, et il devrait probablement manœuvrer avec subtilité pour défendre un bilan moyen, non pas par manque de volonté mais de ressources.
Capitaine De Noli : Je pense, votre Altesse, qu'elles sont bien entretenues et qu'elles correspondent aux besoins de la colonie ; vous pouvez le trouver de petite taille, mais le dimensionnement semble idéal afin de maitriser les coûts tout en permettant une exploitation optimale étant donné le trafic inhérent à la colonie.
Gontran-Flavien : Allons, Capitaine, ne soyez pas si langue de bois. Je sais que les crédits qui vont ont été alloués ne vous ont jamais permis que de vivoter. J'aspire à créer avec vous, et avec les autres bonnes volontés de la colonie un rapport de confiance permettant de répondre à la demande expresse de mon cousin l'Empereur Rodolphe-Auguste de mettre en valeur ce bout d'empire. Aussi, je vous demande, selon vous, ce qui fonctionne et surtout ce qui doit être amélioré.
Le Capitaine, après un petit moment d'hésitation, décida de jouer franc-jeu.
Capitaine De Noli : Et bien, votre Altesse, je pense effectivement que le port correspond à l'heure actuelle aux besoins de la colonie. En revanche, il est à la limite et sera incapable d'encaisser une augmentation de sa charge, tant par manque de main d’œuvre qualifiée que parce que les installations sont vétustes. Vous voyez la jetée numéro 3 derrière nous au fond ? Le courant du large l'ensable progressivement, et elle n'est aujourd'hui plus utilisable par une majorité de navire. Pareillement, les équipements font cruellement défaut, compensé à date par des dockers payés chichement, mais ça ne permet pas beaucoup plus. Or, il y a du potentiel...
Gontran-Flavien : Du potentiel dites-vous ? Il est possible que je puisse décrocher des fonds, mais encore faut-il savoir comment les employer. J'ai cru comprendre, à la façon dont vous avez avancé vos constats, que vous auriez votre petite idée la-dessus, n'est-ce pas ?
Capitaine De Noli : En effet. De manière assez aberrante à entendement, les gens ici se sont concentrés sur l'exploitation de la terre. Le cacao, le café, le tabac, ces plantes dont on raffole à la cour. Pourtant, devant la limitation extrême des terres arables, cette conception des choses est vouée, sinon à l’échec, a minima à rester très limitée. Or, il existe une richesse immense tapis sous nos yeux, à l’abri sous l'azure : le poisson.
Gontran-Flavien : Le poisson ?
Capitaine De Noli : Oui, les ressources halieutiques sont immenses. Et pas simplement de petits poissons, mais bien de grosses espèces extrêmement populaires et demandées : thon, maquereau, bonite, etc. Le potentiel est énorme. La Rumagnola, de par sa tradition, reste un pays qui consomme beaucoup de poisson, et cet aspect est vraiment sous-représenté dans l'économie locale. J'y ai déjà pensé, sur mes fonds propres, mais ça n'est pas du tout suffisant. Imaginez seulement ce que cela pourrait donner : ici, derrière nous, une grande conserverie afin de conditionner sur place le produit, et la, de long de ces deux jetées correctement équipées, des chalutiers qui se relaient et déversent leurs richesses.
Gontran-Flavien : Vous avez des études de marché et de faisabilité sur ces aspects que vous évoquez ? Je suis étonné qu'aucun propriétaire ici, toujours soucieux de trouver des relais de croissance, ne se soit positionné sur le sujet ?
M. Brazza : Rien de suffisamment ficeler pour décrocher un soutien bancaire, mais j'ai plusieurs études officieuses, oui. Si M. Brazza, ici-présent, pouvait mandater un expert pour le faire, je suis sur que nous aurions confirmation.
Gontran-Flavien : M. Brazza, est-ce possible de mener une telle étude rapidement ?
M. Brazza : Mais bien entendu, je vais mandater un expert dès cet après-midi.
Capitaine De Noli : Après, il reste un autre type d'aménagement possible à mettre en place. M. Brazza, son Altesse a-t-il déjà vu M. d'Eni ?
M. Brazza : Non, pas encore, mais je vous où vous voulez en venir. Si votre Altesse le veut bien, je planifierai une rencontre demain. Ce sujet vous intéressera au plus au point, mais ses implications sont nombreuses et compliquées à anticiper. Aucun exarque jusqu'à maintenant s'y est risqué.